J’ai l’impression que depuis quelques temps tout le monde ressent le besoin d’en parler, avec inquiétude souvent.
Mon rapport à l’IA est compartimenté :
- si on parle évolution sociétale, place de l’humain dans les rapports de domination, alors là oui je suis très inquiète du rôle que va jouer l’IA dans l’abrutissement général. Les chercheurs en sciences humaines sont désespérés, un peu comme les climatologues voyez-vous.
 
- si on parle boulot ( je suis prof),  l’IA commence à jouer son rôle de nouvel outil au service du « bosser toujours plus et toujours plus vite et mal », au quotidien. 
 
- si on parle Art, et donc BD, alors là je ne suis pas du tout inquiète. 
 
L’IA est en effet une nouvelle Révolution Technologique dans l’Histoire ( oh les belles majuscules) mais jamais l’être humain ne s’est arrêté d’être un artiste. Après « comment vivre de son art » est un autre problème, et c’est toujours un problème, ce n’est pas nouveau. L’IA permet de faire la différence entre Art et artisanat. L’IA ne fait rien d’autre que de l’artisanat.
Thorgal-bd a écrit 
Si demain tout le monde peut, à domicile, produire des textes et des images d’une qualité soutenue, et si le talent passe par la formulation des requêtes plus que par le travail et/ou les compétences, le public continuera-t-il à soutenir financièrement des albums et des créateurs qui créent de façon artisanale ?
Je n’ai rien contre l’artisanat (je considère que mon ancien métier en était), mais forcément depuis la fabrication des paniers en feuille de bananier jusqu’à la fabrication des paniers en machine 3D, il faut reconnaitre que l’artisanat a toujours été un activité plus technique qu’artistique. J’ai l’impression que l’IA soulève surtout des problèmes économiques, plus que des problèmes artistiques. Que l’IA fasse de bons tubes sur Spotify ne me choque pas. Je rappelle que dans les années 80 on a écouté des tas de trucs pourris (« de la crotte ») crées par des humains en chair et en os. 
Quand les premières techniques de reproduction du réel (la photo quoi) sont apparues, la mort de l’Art fut annoncée aussi. Aujourd’hui nous faisons tous nos propres photos, autrefois il fallait payer un photographe. Pourtant il y a toujours des artistes qui font des photos qui nous surprennent, et il y a aussi toujours des peintres.
Je vais comparer la Bd avec avec un art appliqué que je connais : le graphisme au service de la communication.
Quand j’ai commencé mon métier de graphiste, c’était au tournant d’une petite révolution qui a transformé profondément le métier : le passage au numérique. J’étais jeune et j’ai vu les anciens graphistes et illustrateurs se désoler de voir leur métier disparaitre, ou se transformer durablement. Aujourd’hui c’est moi qui ai changé de métier ! Fabriquer des images est un artisanat parmi d’autres, soumis aux aléas de l’évolution des techniques. Par ailleurs j’ai parfois vu du sale boulot réalisé par de vrais graphistes. Alors que ma fille (pas du tout graphiste) fait de très bonnes mises en pages pour ses études, grâce à CANVA, bon ben voilà. 
L’art c’est différent. Ça ne sert à rien, c’est magique, inexplicable, inévitable. J’avais un prof qui nous disait qu’un artiste qui a quelque chose à dire peut le faire avec 3 bâtons. L’histoire de l’art est ineffaçable, c’est une richesse inouïe. L’histoire de la musique nous laisse un héritage que chacun est libre d’explorer, ou pas. Je me fiche  que Spotify balance un truc IA (ou de la Kpop) tant que Bach est toujours là, en fait (En Allemagne, bon nombre de chorales, d’ensembles orchestraux magnifiques et autres musiciens, ne se posent pas la question de quoi faire de cet héritage. Sans frémir il faut faire de la musique, c’est tout.)  
Pareil en BD, il y aura toujours d’excellents auteurs. A chacun de faire ses choix, en tant que lecteur, et en tant qu’auteur. Tout ce qui vise à être vendu en masse n’a jamais visé la qualité. En revanche, parfois la qualité se vend en masse, sans que ce soit l’objectif initial.  Ce qui serait embêtant ce serait la perte et l’oubli de connaissances, et c’est déjà arrivé dans l’Histoire. Par exemple c’était quand même fabuleux que la restauration de Notre-Dame ait donné lieu à la re-découverte de certains savoir-faire. Peut-être même que l’IA peut aider, allez savoir.
Znokiss a écrit 
Viendra un moment où elles commencement à ingurgiter du contenu créé par IA pour en produire, et là, je vois pas comment ça ne peut pas ressembler à du vomi (façon de parler mais c’est l’image qui me vient).
Ah ah ! Cela me parait le coeur du problème : l’IA ne se nourrit que de ce qui existe numériquement. Pour l’IA la réalité matérielle n’existe pas. Cela veut dire qu’à ce jour de grands pans de la connaissance humaine sont ignorés, ainsi que de grand pans de son ignorance. L’IA n’a aucune idée des compétences humaines qui ne sont pas numérisables : la plasticité de notre cerveau, notre façon de comprendre le monde avec le corps aussi (mémoire kinesthésique par exemple), l’émotion, la sensibilité … bref.
Le problème c’est l’importance qu’on lui donne, alors que c’est bullshit. Il y a un engouement économique, un peu comme à la fin des années 90 pour internet.