Tjahzi
Je trouve que le dessin de Roman Surzhenko évolue de manière positive. Les personnages sont finement dessinés, en particulier Louve qui est de toute beauté. Dans les tomes précédents, j'avais la sensation que les personnages flottaient au-dessus du sol, ou qu’ils étaient collés sur un décor dans lequel ils ne vivaient pas vraiment. Il y a une belle évolution, mais je crois malgré tout qu’il est possible au dessinateur d’aller plus loin pour que les décors fassent vraiment partie intégrante de la scène et qu’ils s’insèrent dans l’action comme les personnages.
Le scénario de Yann est plus riche que ce qu’on a pu connaître par le passé. On comprend pourquoi certains éléments ont été placés dans les albums précédents, le meilleur exemple en est le berceau de Thorgal, même si cette récupération est assez maladroite. Ce qui est plus adroit, ce sont les nombreux liens qui se font avec des évènements passés, que ce soit dans la série mère scénarisée par Van Hamme ou dans les Mondes créés par Yann. Mais cela ne correspond plus du tout à l’intention annoncée de faire vivre une série consacrée à Louve qui peut se lire pour elle-même. Pour moi, il est impossible à un nouveau lecteur de comprendre ce tome de Louve sans aller revoir tous ces albums. Ajoutons à cela l’enjeu de la situation qui repose sur les épaules de Louve : rien moins qu’empêcher le chaos des mondes !
La construction de cet album repose sur de nombreuses portes qui s’ouvrent, sans que l’histoire n’évolue beaucoup. Même le grand départ pour Bag Dadh n’a pas lieu, et Louve retrouve Aaricia pour le dîner comme si elle était simplement partie se balader. C’est assez incohérent avec le début de l’histoire, et la dispute entre mère et fille a encore moins d’intérêt. A ce propos, je pense que nombre de dialogues sont encore superflus et ralentissent le récit. Ce qui crée un peu de dynamisme dans cet album, c’est l’alternance des planches entre les mondes et les personnages qui évoluent en parallèle. Mais à force de tirer sur ces fils dans de multiples directions, tout se mélange au point de retrouver de passage sur Asgard des personnages venus de différents mondes, ce qui n’a plus guère de sens.
Au final, la série Louve continue à se chercher, entre les multiples références au passé thorgalien et l'envie d'exploiter la mythologie scandinave, entre la volonté de créer une série jeunesse et les aspects vraiment adultes de la BD, entre des aventures héroïques et des jeux de mots dans les dialogues, cette histoire manque de cohésion. Je compte sur le dernier tome pour finir en beauté la série consacrée à Louve.